3 raisons de (re)découvrir les bijoux de Jacques Demy
Les Demoiselles de Rochefort, Peau d’âne, Lola ou La Baie des Anges : en une vie, difficile d’échapper à l’oeuvre magistrale de Jacques Demy. Parfois incompris, souvent moqué, le génie Demy est sur Netflix depuis le 15 mai et voici 3 raisons de le streamer !
1) Parce que la vie “en chanté” est plus belle
En 1961, le cinéaste nantais réalise son premier long-métrage, Lola. Pour la musique du film, il fait appel à celui qui n’est alors qu’un jeune compositeur prometteur : Michel Legrand. La collaboration est évidente, l’univers à la fois dramatique et fantastique de Demy est indissociable de l’inconditionnel du jazz, Legrand. C’est amoureux des mélodies du compositeur de 28 ans que, deux années après Lola, le cinéaste de la Nouvelle Vague annonce la préparation d’un film entièrement en chanté. Au micro de “Discorama”, il présente le film de 1964, aujourd’hui mythique, Les Parapluies de Cherbourg, comme une tragédie musicale “en chantée”. En d’autres mots, la totalité des dialogues du film serait chantée. À partir de 64, ce sera (presque toujours) en chantant, que, les personnages de Demy, se promèneront dans la ville, se marieront et auront le cœur brisé.
Pourtant, Les Demoiselles de Rochefort (1967) est aujourd’hui communément reconnu comme la “première comédie musicale française”. Pour ce musical à l’américaine, le cinéaste réunit, dans son quatrième long-métrage, Gene Kelly, George Chakiris, (les héros respectifs de Singing In The Rain et West Side Story) Catherine Deneuve, Françoise Dorléac, Jacques Perrin, Danielle Darrieux et même Michel Piccoli ! Le film en chanté, en parlé et en dansé connaît un succès, à l’américaine lui aussi, et confirme la voie musicale que le réalisateur semble emprunter. Alors, à tous les mélomanes qui ne connaîtraient que La Chanson Des Jumelles, n’hésitez plus et plongez dans l’univers musical revigorant de Michel Legrand, porté par la poésie infinie de Jacques Demy, simplement car la vie y est plus belle.
2) Pour la beauté de ses mises en scène
En plus des textes en français “ordinaire” et du jeu de l’époque, qui n’aspirait évidemment pas à la vraisemblance, c’est la mise en scène (et plus particulièrement les décors et costumes) de Demy qui est sujette aux moqueries. Qualifiés de “kitsch”, les décors sont quasiment toujours assortis aux acteurs. Papiers-peints, peintures, meubles, nappes, tableaux, rues : dans les films musicaux du cinéaste, tout est assorti aux tenues des personnages.
Détail plus que charmant pour ses admirateurs, on comprend que cette coquetterie amuse ses détracteurs. Outre l’aspect amusant de ces rappels de couleurs et de motifs, ils transforment un simple plan d’ensemble en une toile, où chaque détail aurait été soigneusement choisi, dans la quête d’une harmonie parfaite.
Ajoutons aux décors les plans, plus hypnotisants les uns que les autres, et on obtient une réalisation parfaitement exécutée. Les amateurs de Demy connaissent sans doute la scène d’ouverture des Parapluies de Cherbourg, la scène de fin des Demoiselles de Rochefort sur la Place Colbert, ou enfin Catherine Deneuve au piano dans sa merveilleuse robe “couleur du temps” dans Peau d’âne, sur le bout des doigts, sans jamais se lasser de leur beauté.
3) Pour son engagement
Militantisme et comédies musicales : voilà un oxymore ! Eh bien, non. Parce que Jacques Demy n’a pas fait que des films musicaux mais aussi parce qu’il était tout de même engagé dans ces deniers.
Marié à la réalisatrice la plus féministe de la Nouvelle Vague, Agnès Varda, il n’est pas étonnant que les longs-métrages du metteur en scène soient très peu sexistes. À l’heure où les femmes viennent tout juste d’obtenir le droit d’ouvrir un compte en banque à leur nom, les jumelles des Demoiselles de Rochefort sont indépendantes financièrement, elles exercent un métier qu’elles ont choisi et sont célibataires. Dans L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune, le second mari d’Irène tombe enceint. Dans Une chambre en ville, Demy donne (encore une fois) le premier rôle à une prostituée. Si ces choix paraissent anodins en 2020, ils l’étaient nettement moins il y a 50 ans.
Fils de garagiste, la condition ouvrière est également omniprésente dans l’ensemble son oeuvre. Cet engagement lui a souvent été reproché, trop “bourgeois et instruit” pour traiter du sujet pour certains, “endoctriné par sa femme” pour d’autres.
De plus, dans Les Parapluies de Cherbourg, il est le premier à mentionner “ce qui se passe en Algérie en ce moment” alors que la France passe sous silence la guerre d’Algérie.
Salomé Guez
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